Aujourd'hui, je vous présente une des deux nouvelles que j'ai écrites pour le concours Émile Moselly
Un
plat qui se mange froid
Imaginez
un peu ma surprise lorsque j’ai vu apparaître ma photo sur mon
écran. Quelqu’un venait de mettre ma tête à prix pour deux cent
mille euros, et c’est à moi qu’il proposait d’exécuter le
contrat ! Oui, vous avez compris, je suis un tueur. Avant, je
travaillais pour les services secrets français, mais lorsque je suis
retourné à la vie civile, toutes mes économies étaient parties en
fumée chez Madoff. Alors, comme il faut bien vivre et que je ne sais
faire que ça, je me suis mis à mon compte. L’avantage, c’est
que maintenant, je peux m’autoriser à refuser certaines commandes.
Pour faire simple, je n’accepte des contrats que contre des
ordures. Et bien que l’on puisse raisonnablement me classer dans
cette catégorie, cette fois ci, j’ai refusé.
Perplexe,
je suis allé boire un verre place Saint Evre, près de chez moi.
J’aime ce coin, au cœur du vieux Nancy, avec le parvis de
l’église, la statue de Renée II, ses terrasses et ses arbres, je
lui trouve un air de place de village, et je m’y sens bien. Je me
suis installé à une terrasse, près d’un jeune couple, j’ai
commandé une bière de Champigneulles et j’ai grignoté quelques
cacahuètes. J’essayais de réfléchir à ma situation, en
maudissant pour une fois l’anonymat absolu que peut offrir le
dark-web. Jusque-là, j’ai toujours trouvé ça idéal. Le
commanditaire me sollicite et me paye, sans qu’aucun de nous puisse
savoir qui est l’autre. Pratique, sécurisant. Mais aujourd’hui
sacrément problématique.
Un
homme peu engageant c’est installé à la terrasse voisine. Perdu
dans mes pensées, je n’y ai pas vraiment prêté attention. Une
idée m’est venue entre deux cacahuètes. C’était mon nom, celui
de mon état civil, qui était noté avec ma photo sur le contrat,
pas mon pseudonyme professionnel. Mais loin de m’éclairer, cela ne
faisait que renforcer le mystère sur mon commanditaire. Dans la vie
de tous les jours, je passe pour quelqu’un de respectable, plutôt
discret, et je ne cause de tort à personne. Alors qui pouvait bien
m’en vouloir à ce point et pourquoi ?
Une
jeune femme, plutôt mignonne, genre secrétaire un peu guindée, est
venue s’installer à la table devant moi. Elle avait les yeux rivés
sur son téléphone et ne cessait de pianoter sur son écran. C’est
à ce moment que j’ai enfin remarqué l’homme étrange. Il
m’observait du coin de l’œil en se croyant discret. Un
débutant ! Mais j’ai bien compris qu’il était là pour
moi, et il s’en est fallu de peu pour que je me frappe le front en
vociférant un « Quel con ! »
J’ai refusé le
contrat, mais rien n’empêchait le commanditaire de contacter
quelqu’un d’autre, et d’après ce que je pouvais constater, cet
autre-là n’avait pas perdu son temps. Je me demandais encore
comment me tirer de ce mauvais pas, lorsque j’ai vu l’enfer se
déchaîner comme au ralenti.
L’homme
s’est soudain levé, il a sorti une kalachnikov de sous son
imperméable et hurlé un slogan terroriste en pointant son arme vers
moi et la jeune femme
immobile dont les yeux étaient toujours rivés sur son
écran. Heureusement pour nous, il n’avait pas retiré la sécurité.
Le temps qu’il comprenne son erreur, j’avais saisi la coupelle de
cacahuètes et la lui ai lancée au visage comme un frisbee. Il est
parvenu à dévier mon projectile avec le canon de son AK47, mais
cela m’a donné le temps de me jeter sur lui avant qu’il ne
puisse tirer.
Les clients se sont enfuis en hurlant pendant que
je tentais de neutraliser le terroriste. Mon passé militaire me
donnait l’avantage, et le bonhomme fut rapidement hors d’état.
Un débutant, j’en étais maintenant certain.
Quand
j’ai relevé la tête, la place était déserte. Il ne restait plus
que mon tueur, moi et la jeune femme, prostrée et tremblante. Elle
est parvenue à me demander entre deux hoquets :
–
Pourquoi moi ?
Je ne comprenais pas sa question. Elle
m’a répété :
– Il voulait me tirer dessus.
Pourquoi ?
Je voulais la rassurer, lui dire que j’étais
probablement la cible visée, mais une voiture a démarré en trombe
du côté de la place Carrière. Je me suis plaqué au sol,
entraînant la demoiselle avec moi. Une rafale a retenti et des
balles ont sifflé juste au-dessus de nous pendant que la voiture
poursuivait sa route vers la rue des Dames et que la jeune femme
hurlait de terreur.
Lorsque
le calme est enfin revenu, j’ai relevé la tête. Les vitrines du
bar étaient brisées, des impacts de balles criblaient les murs. Je
ne pouvais pas rester ici. Les policiers n’allaient certainement
pas tarder, et je n’avais aucune envie de répondre à leurs
questions. Je me suis assuré que le terroriste en avait bien pour
son compte et je me suis dirigé vers la rue Monseigneur Trouillet
pour rentrer chez moi. J’étais à peine à l’hôtel
d’Haussonville que j’ai entendu courir derrière moi. Elle me
suivait, terrorisée :
– Ne me laissez pas seule !
S’il vous plaît.
Je ne sais pas pourquoi, peut-être le cadre
romantique du bâtiment de la renaissance ou son regard implorant et
paniqué, toujours est-il que j’ai accepté qu’elle me suive.
Je
l’ai emmenée jusqu’à mon appartement, dans un petit immeuble en
face de l’hôtel des loups.
À
peine entrés, elle m’a demandé si elle pouvait boire. Je lui ai
proposé une bouteille d’eau, ce qui ne lui convenait manifestement
pas :
– Vous auriez quelque chose de plus fort ?
Je
lui ai montré mon bar, une petite étagère avec quelques bouteilles
posées dessus.
Elle a pris la bouteille de vermouth et s’est
servi un grand verre qu’elle a bu d’une traite. Elle s’en est
servi un nouveau :
– C’était qui ces types ?
–
Un tueur à gage certainement. Je pense que celui-ci se fait appeler
Darkside. Il a l’habitude de faire passer ses contrats pour des
attentats terroristes en faisant faire le sale boulot par des paumés
du coin.
Elle me fixa d’une manière étrange :
–
Pourquoi ?
– Avec la masse des victimes, difficile de
comprendre qu’un seul type était visé. Immonde, mais efficace…
En général. Il attendait probablement dans la voiture. Quand il a
vu que son gars avait échoué, il a voulu finir le travail.
Je
devais avoir l’air un peu trop détaché. J’ai vu la peur dans
ses yeux :
– Vous le connaissez ?
– Non. Mais
je connais ses méthodes.
Elle a reculé d’un pas :
–
Mais vous êtes qui ?
J’ai répondu aussi proche de la
vérité que possible :
– Un ancien militaire.
–
Quel genre de militaire ?
– Je n’ai pas le droit de
vous le dire.
Elle m’a fixé quelques secondes avant de vider
son deuxième verre et de s’affaler dans mon fauteuil :
–
Dans quelle galère je me suis fourrée ? Je n’aurais jamais
dû pirater cet ordinateur…
Elle buvait maintenant
directement à la bouteille.
J’ai
allumé la télévision sur la chaîne info. La fusillade faisait les
gros titres. Tous les experts s’interrogeaient sur les raisons de
cette attaque. Il était fait mention de l’homme mystérieux qui
avait neutralisé le premier assaillant, mais aucune description
précise n’en était faite, ce qui n’était pas pour me déplaire.
Cependant, j’ai réalisé que le pseudo terroriste ne manquerait
pas de parler aux policiers. Connaissait-il mon nom ? Savait-il
que le seul but de son attaque était de m’éliminer ?
Lorsque
le présentateur a évoqué les déboires judiciaires de la nouvelle
vedette de téléréalité, j’ai jeté un coup d’œil à mon
hôte. Elle s’était endormie, lovée dans le fauteuil. J’ai
récupéré la bouteille de vermouth vide qui pendait dangereusement
dans le vide et lui ai glissé un plaid sur les épaules, avant
d’allumer mon ordinateur.
J’ai passé l’essentiel de la
nuit à tenter de suivre la trace du commanditaire, mais ce type
était plus que prudent. Il était carrément paranoïaque. Il
utilisait toutes les astuces que je connaissais pour brouiller sa
trace dans les méandres de la toile sombre.
Le jour allait
bientôt se lever lorsque ma belle inconnue s’est réveillée. Elle
m’a fixé d’un regard vide puis elle a examiné la pièce avant
de réaliser la situation :
— Vous avez du café ?
Je
suis allé en préparer deux grands bols.
— Moi c’est Noreen
et vous ?
— Pierre.
Lorsque je suis revenu dans le
salon avec le plateau de café, je l’ai retrouvée penchée sur mon
écran. Elle s’est tournée vers moi :
— Vous vous y
prenez mal. Vous ne le retrouverez jamais comme ça.
Elle a pris
un bol et en a bu une gorgée :
— Et c’est qui ce type
que vous cherchez ?
Surpris par ses propos, je me suis
demandé ce que je pouvais bien lui dire. J’ai finalement décidé
de rester aussi près de la vérité que possible, mais sans entrer
dans les détails.
— Je crois que c’est lui qui a embauché
Darkside, pour me tuer.
Elle m’a regardé puis elle a observé
mon appartement :
— Vous ! Mais pourquoi ?
—
C’est ce que j’aimerais bien découvrir.
Elle m’a montré
l’ordinateur :
— Je peux ?
Noreen était de
plus en plus surprenante :
— Vous vous y connaissez ?
—
Je suis diplômée du M.I.T. J’ai travaillé pour une startup en
Californie… Mais j’ai été virée parce que j’ai refusé de
coucher avec le patron.
Elle a pianoté sur le clavier à une
vitesse impressionnante, sans jamais donner l’impression de
réfléchir à ce qu’elle faisait. Et pourtant, après une dizaine
de minutes, elle a consenti à m’expliquer :
— Ce type
utilise tous les outils que propose le web profond pour ne pas
pouvoir être tracé. Je ne sais pas où il a appris tout ça, mais
il est efficace.
J’ai failli lui dire qu’elle ne m’apprenait
rien de nouveau, mais ce qu’elle m’a appris ensuite était plus
intéressant :
— Mais, on a une chance de remonter
jusqu’à lui en faisant correspondre les entrées et les sorties
sur les serveurs par lesquels transite le message.
Je ne sais
pas quelle tête j’ai dû faire à ce moment-là, mais elle s’est
mise à rire :
— Quand un serveur internet reçoit une
requête, il lui faut un certain temps pour traiter l’information
et renvoyer la réponse. J’utilise un petit code qui calcule
précisément ce temps, ce qui me permet de trouver le message
d’entrée correspondant, que je peux remonter jusqu’au serveur
précédent.
Elle était décidément bien différente de la
petite secrétaire guindée que j’avais imaginé.
— C’est
toujours plus efficace que les méthodes de traçage d’adresse IP.
Mais ce n’est pas fiable à cent pour cent et c’est assez
long.
J’ai décidé de la laisser faire et d’aller me
doucher.
Avec
l’aide de Noreen, à la fin de la journée, nous avons réussi à
retrouver trois tueurs qui avaient accepté le contrat sur ma tête.
Il y avait Darkside, Opin'Elle, experte dans l'usage des armes
blanches et Gun and Roses, dont je n'ai encore jamais entendu parler.
Mais nous n’avions toujours pas d’information sur le donneur
d’ordre.
Je lui ai pris les mains avec autant de douceur que
possible :
— Nous ne pouvons pas rester ici. Darkside m’a
déjà retrouvé, il n’en restera pas là, et les deux autres
finiront bien par se manifester aussi. Je prends quelques affaires et
nous partons.
Arrivés
dans la rue, j'ai hésité à prendre ma voiture. Je me doutais
qu'elle était un peu trop facile à pister. J'ai donc décidé de
remonter vers le Cour Léopold pour prendre un taxi.
J'ai une
planque à Liverdun, dans le vieux village. La maison ne paye pas de
mine, mais c'est toujours plus sûr que mon appartement. J'ai fait
entrer Noreen, et je lui ai proposé de prendre une douche. Pendant
ce temps, j’ai poursuivi mes recherches. Le mystérieux
commanditaire a lancé une sorte de compétition entre les tueurs.
Deux-cent-mille euros pour accepter le contrat, dix millions pour
celui ou celle qui le remplirait. Inutile de vous dire que la somme
était très motivante et incitait mes collègues à se dépêcher de
m'éliminer avant d'être coiffés au poteau par un plus rapide.
Noreen
a poussé un petit cri étouffé qui m’a mis sur mes gardes. À qui
avais-je à faire cette fois-ci ? J’ai pris mon beretta, un
calibre 22, assez discret, et je me suis dirigé vers la salle de
bain. Elle était sortie dans le petit couloir, avec une simple
serviette enroulée autour d’elle. Mais elle n’était pas seule.
Une femme se tenait derrière elle, la menaçant d’une lame d’une
trentaine de centimètres sur la gorge. Elle m’interpella :
—
Lâche ton arme ou je la tue !
Noreen était terrorisée.
—
Si tu fais ça, tu es morte toi aussi.
Opin’Elle ne s’est
pourtant pas démontée :
— C’est un 22mm que tu as
là.
Elle lâcha un petit rire
— C’est mignon !
Mais cette fille me sert de bouclier, et tu ne m’atteindras jamais
à travers elle avec ça !
Elle n’avait pas tort. Je suis
un tueur, pas un garde du corps, et ce genre d’argument aurait
normalement dû me laisser de marbre. Mais, je ne sais pas pourquoi,
en voyant des larmes de panique couler sur les joues de Noreen, j’ai
relevé mon arme et j’ai commencé à reculer :
— Elle
n’a rien à voir avec tout ça. C’est moi que tu veux. Laisse là
partir.
Opin’Elle poussait Noreen pour avancer vers moi, un
rictus de victoire sur les lèvres :
— D’abord tu
jettes ton arme !
Anticipant la suite, j’ai encore reculé
vers le séjour tout en retirant le chargeur et en vidant la chambre
du beretta. Le séjour m’avantageait en combat rapproché,
contrairement à l’espace trop confiné du couloir, où Opin’Elle
pouvait profiter de sa petite taille. J’ai jeté mon arme dans un
coin. La tueuse a fait une prise d’étranglement sur Noreen qui
s’est vite écroulée, inconsciente, puis elle s’est approchée
de moi et s’est lancée à l’attaque. J’ai esquivé sa dague
tout en empoignant son bras pour la faire rouler au sol. Sans la
lâcher, je lui ai décoché un coup de pied dans l’estomac avant
de lui faire une clé de bras pour lui faire lâcher son arme :
—
Tu devrais mieux te renseigner sur tes cibles Opin’Elle.
Elle
m’a jeté un regard surpris, pour toute réponse. Je l’ai
attrapée sans ménagement pour la conduire dans la cuisine. Là,
j’ai sorti une bobine de fil à rôti d’un tiroir, avant de la
plaquer au sol et de la saucissonner pour l’empêcher de bouger.
Noreen
m’a rejoint encore chancelante :
— C’est qui encore ?
Et qu’est-ce que tu vas en faire ?
— C’est Opin’Elle,
et j’ai quelques questions à lui poser.
La tueuse avait déjà
récupéré :
— J’ai rien à te dire !
Je
l’ai fixée, aussi froid et déterminé que possible :
—
Ne t’inquiète pas pour ça…
J’ai ouvert un placard, et
j’en ai sorti quelques ustensiles – casse-noisettes,
couteaux, tire-bouchon, économe et rappe à légumes, que j’ai
posés bien en évidence devant elle :
— Tu parleras
quand même.
Heureusement
je me suis montré assez convainquant et je n’ai pas eu à me
servir de tout ça. Elle m’a dit tout ce qu’elle savait. Rien que
je ne sache déjà, mais pendant ce temps, Noreen a enfin réussi à
remonter jusqu’au commanditaire. Un type de Pont à Mousson.
J’ai
décidé d’aller lui rendre visite sur le champ, mais Noreen a
insisté pour venir avec moi, car elle ne voulait pas rester seule
avec Opin’Elle, et elle refusait que je m’en débarrasse de
manière définitive. Je l’ai donc emmenée avec moi, en lui
faisant bien comprendre que je n’avais d’autre choix que de tuer
celui qui voulait ma peau.
Arrivés
à Pont à Mousson, j’ai vite trouvé la bonne maison, rue Saint
Laurent, près des arcades de la place Duroc. Un hôtel particulier,
de briques et de pierres de taille. Le type n’était pas dans le
besoin, mais ça, je le savais déjà. J’ai pris Noreen par les
épaules :
— Quoi qu’il arrive, tu restes dehors. Si je
ne ressors pas d’ici vingt minutes, sauve-toi.
Entrer
a été un jeu d’enfant. Le système de sécurité n’était pas
mauvais en soit, mais trop simple pour quelqu’un comme moi.
J’avançais en silence, mon glock 17 –plus puissant que le 22 mm
du beretta– en main. J’entendais de la musique à l’étage,
j’ai donc pris l’escalier.
Dans un grand salon, un homme,
tout ce qu’il y a d’ordinaire me tournait le dos en se servant un
verre de scotch.
— Mains en l’air !
Il sursauta et
laissa tomber son verre. Il se retourna lentement :
—
Pierre ? Je ne m’attendais pas à te voir…
— Vivant ?
Pour ça, il faudrait éviter de me proposer le job.
Il a ouvert
une bouche de six pieds, mais il n’a pas essayé de nier :
—
Tu es lequel ?
— Fatal Stone. Et toi, tu es qui ? Et
pourquoi as-tu passé des contrats contre moi ?
Ses épaules
se sont affaissées :
— Décidément, tu m’auras pourri
la vie jusqu’au bout.
Il s’est resservi un verre :
—
Tu permets ?
Les mains tremblantes, il but une gorgée :
—
Tu ne te souviens pas de moi ? C’est… irritant. Parce que
moi, je me souviens parfaitement de toi ! Lunéville, collège
Saint Pierre Fourier…
Il venait donc de mon passé. Mais comme
je ne le remettais toujours pas, il s’est énervé :
—
Allons, fais un effort ! Le gars que tu as balancé dans les
poubelles devant toute la classe !
J’avais
complètement oublié cette histoire-là. Ce type m’avait énervé,
je ne sais plus pourquoi, mais à l’époque, il en fallait peu pour
me pousser à bout. Je vivais dans une famille… difficile, dans une
petite maison ouvrière, rue Jean Jaurès. Vu ce qui se passait chez
moi, il n’y avait qu’au collège que je pouvais me défouler.
Mais
ce type lui, avait ruminé ça depuis tout ce temps :
—
Mais ça fait combien… Vingt, vingt-cinq ans ? Ne me dit pas
que tu n’es pas passé à autre chose depuis ?
Il s’est
emporté :
— Passer à autre chose ! Marie Blanchard
ne m’a plus jamais adressé la parole depuis ce jour-là !
C’était l’amour de ma vie !
Marie Blanchard… La
bombe incendiaire et insensible du collège… Et il me mettait son
échec amoureux sur le dos !
— Elle ne s’est jamais
intéressée aux gars comme nous ! Les gars de familles friquées
oui, mais pas nous.
Il est devenu cramoisi :
— Je
t’interdis de dire du mal d’elle ! J’engagerai d’autres
types s’il le faut, mais tu me le paieras tu m’entends, tu me le
paieras !
J’ai levé mon arme vers lui et il est devenu
soudain blême :
— D’habitude, je ne tue que si on me
paye pour ça, et encore, jamais des pauvres types comme toi. Mais tu
ne me laisses pas le choix. Si je ne peux pas te raisonner, je vais
devoir te faire taire.
Il
a reculé, comme s’il pouvait mettre assez de distance entre lui et
mes balles. À regret, j’ai commencé à presser lentement la
détente. J’ai alors entendu un claquement sec. J’ai pensé avec
surprise que ce n’était pas le bruit d’un 9 mm, juste avant de
sentir la douleur fulgurante dans ma poitrine. Je me suis retourné.
Noreen était là, avec mon propre beretta pointé vers moi. Je me
suis écroulé. Elle a poussé mon arme du pied puis elle s’est
délicatement penchée sur moi :
— Je suis Gun and Roses.
J’ai pensé que tu avais le droit de savoir qui t'avait tué.
Elle
m’a souri, comme si elle était navrée.
— Tu dois te
demander pourquoi j’ai attendu tout ce temps pour faire le job.
C’est simple, j’avais prévu de le faire quand je t’ai approché
place Saint Evre, mais lorsque tu as neutralisé cet homme, j’ai
compris que je manquais d’informations sur toi et que le contrat
était plus dangereux pour moi que je ne l’avais imaginé. Au fait,
je ne t’ai pas encore remercié de m’avoir sauvé la vie sur
cette terrasse.
Elle a mimé un baiser avant de continuer :
—
Ah, j’oubliais ! Quand tu m’as laissée utiliser ton
ordinateur, j’en ai profité pour vider tes comptes au Panama. Tu
ne m’en veux pas n’est-ce pas ? Tu n’en auras plus besoin.
Elle
s’est relevée et s’est approchée du type.
Je me noyais
dans mon sang, ma vue se brouillait, mais j’ai encore pu l’entendre
dire :
— Je crois que vous me devez dix millions.
FIN